La fermeture résidentielle: Recompositions urbaines, pratiques et représentations.

Ce blog a pour finalité de présenter mes travaux de recherche et leur avancement au fil des trois années de thèse au sein du laboratoire ART-Dév de l'Université Montpellier III.

Cassandre DEWINTRE, Monitrice allocataire MENRT, Université Montpellier III

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jeudi 10 mai 2012

Une fermeture assumée? Le cas de la promotion immobilière au Maroc


Dans le cas des ensembles résidentiels fermés implantés à Marrakech et plus largement au Maroc, les discours des promoteurs de l'immobilier sont très différents. Ici, la fermeture a été induite dès le départ par les processus sociaux existants. Dans le contexte d'une ville dont la surface urbanisée s'est principalement accrue et développée depuis les années 90, la plupart des constructions périphériques à la médina et aux quartiers coloniaux sont récentes et ont été édifiées majoritairement pour des catégories socialement privilégiées de la population. Ce facteur d'entre soi social a sous-tendu la fermeture dans une agglomération déjà sectorisée. Essentiellement investis par des occidentaux, ou des Marocains aisés voire fortunés, ces ensembles résidentiels se sont généralisés en regroupant toujours plus d'équipements et de services pour devenir concurrentiels dans le contexte d'un marché très disputé. Dans ce cadre, les équipements de fermeture et de contrôle des accès ne sont pas comme dans le cas français comptabilisés comme une prestation mais comme une base, un caractère standardisé. De ce fait, la stratégie commerciale ne se fera par sur cet élément banalisé mais sur la multiplication et l'originalité des services, équipements et formes architecturales que l'on pourra retrouver à l'intérieur de ces ensembles. 
Néanmoins, cette sécurisation ne s'est pas imposée partout et certains secteurs urbanisés par de petits promoteurs isolés ont su préserver des formes plus traditionnelles d'îlots de Riyad certes modernisés mais non englobés au sein d'un même ensemble fermé. Mais même dans ce cas de figure, la présence de gardiens abrités dans de petits cabanons à l'entrée de ces pseudo lotissements s'est généralisée à toute la ville et représente, bien que de façon plus symbolique, une banalisation du contrôle des accès dans la grande majorité des espaces d'habiter des catégories moyennes supérieures et aisées de la population Marrakchie. 
Au niveau des formes, le produit commercial « ensembles résidentiels fermés » se différencie nettement de ce que l'on peut trouver en France et notamment dans l'agglomération montpelliéraine. Destiné principalement à une clientèle étrangère qu'il s'agisse de touristes, d'habitants saisonniers ou encore d'habitants permanents, ces ensembles résidentiels ont été construits pour plus de 50 % d'entre eux sur le modèle de la gated community américaine. La présence de nombreux investisseurs anglo-saxons a également joué un rôle dans le développement de ces superstructures fonctionnant en quasi autonomie car disposant d'équipements, de services et de personnels diversifiés et présents en nombre. La promotion d'ensembles comme le Samanah Country Club, le Golf d’Amelkis, ou le Royal Palm, pour ne citer que ces trois domaines a montré l'exemple à toute une génération d'investisseurs et de promoteurs implantés dans la ville de Marrakech au début des années 2000 et qui ont voulu investir et développer le marché du luxe à Marrakech par le biais de l'implantation de ces grands ensembles résidentiels en périphérie urbaine et notamment dans le quartier d’Annakhil. 
S'agissant de ce type d'ensembles résidentiels fermés, les promoteurs n'ont pas eu à imposer une offre car la demande était présente du moins jusqu’à la crise immobilière de 2008 qui n’a pas épargné la ville de Marrakech. Néanmoins et lorsque l'on traite du marché de très haut de gamme avec des biens dépassant le million d'euros, la clientèle a toujours été présente et demandeuse de ces ensembles résidentiels fermés disposant de tous les services et équipements les plus innovants. Cette orientation de la promotion immobilière vers le marché du luxe est réservé à une poignée de promoteurs, généralement des investisseurs œuvrant à l'échelle internationale et ne représente qu'une petite proportion du marché immobilier global. En effet, en parallèle à ce marché du luxe et à l'apparition de ces grands ensembles fermés constitués de maisons individuelles se sont développées des formes de fermeture très diversifiées à mi-chemin entre plusieurs cultures et modes de vie. 
Les formes de la fermeture résidentielle qui se sont développées au sein de la ville de Marrakech sont souvent issues d'une influence extérieure et notamment l'influence de ses premiers investisseurs, les promoteurs français qui ont multiplié les projets sur Marrakech depuis la fin des années 90. Le premier secteur économique étant le tourisme, de nombreux ensembles résidentiels fermés ont été conçus afin de de permettre la coexistence au sein du même ensemble de populations saisonnières et de propriétaires occupants. Cette ambition de la part des promoteurs mais aussi des politiques de la ville a orienté les formes du bâti vers un modèle de fermeture résidentielle assez généralisé dans les quartiers « modernes » (anciens quartiers coloniaux) et plus globalement à l'ouest de la ville. Les promoteurs, pour vendre leur produit immobilier ont donc pratiqué le consensus entre d'une part un habitat de style traditionnel en préservant quelques aspects et matériaux orientaux et d'autre part ont permis le développement de la modernisation et des équipements de loisirs dans ces mêmes résidences afin d'attirer les extérieurs et notamment les occidentaux. 
Ces différentes adaptations de la part des promoteurs qu'ils soient occidentaux ou à partir des années 2000 Marocains ont permis de commercialiser plus facilement les produits immobiliers dans la ville de Marrakech et de faire très nettement augmenter les prix du foncier. Le public a été conquis par le confort et la sécurité apportés par ces logements construits dans des ensembles clos et apportant tout le confort dont il disposait en Europe, le tout à moindre coût. La fermeture s'étant banalisée au départ de la construction de la plupart des résidences d'habitat collectif mais aussi de lotissement à Marrakech, l'offre immobilière se fonde progressivement sur des demandes toujours plus poussées en matière de confort au sein des ensembles résidentiels fermés. Dans ce cas de figure, la balance entre offre et demande est plus équilibrée que dans le cas français.

Cassandre DEWINTRE, tous droits réservés.

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