Dans
le cas des ensembles résidentiels fermés implantés à Marrakech et plus
largement au Maroc, les discours des promoteurs de l'immobilier sont très
différents. Ici, la fermeture a été induite dès le départ par les processus
sociaux existants. Dans le contexte d'une ville dont la surface urbanisée s'est
principalement accrue et développée depuis les années 90, la plupart des
constructions périphériques à la médina et aux quartiers coloniaux sont
récentes et ont été édifiées majoritairement pour des catégories socialement privilégiées
de la population. Ce facteur d'entre soi social a sous-tendu la fermeture dans
une agglomération déjà sectorisée. Essentiellement investis par des
occidentaux, ou des Marocains aisés voire fortunés, ces ensembles résidentiels
se sont généralisés en regroupant toujours plus d'équipements et de services
pour devenir concurrentiels dans le contexte d'un marché très disputé. Dans ce
cadre, les équipements de fermeture et de contrôle des accès ne sont pas comme
dans le cas français comptabilisés comme une prestation mais comme une base, un
caractère standardisé. De ce fait, la stratégie commerciale ne se fera par sur
cet élément banalisé mais sur la multiplication et l'originalité des services,
équipements et formes architecturales que l'on pourra retrouver à l'intérieur
de ces ensembles.
Néanmoins, cette sécurisation ne s'est pas imposée partout et
certains secteurs urbanisés par de petits promoteurs isolés ont su préserver
des formes plus traditionnelles d'îlots de Riyad certes modernisés mais non
englobés au sein d'un même ensemble fermé. Mais même dans ce cas de figure, la
présence de gardiens abrités dans de petits cabanons à l'entrée de ces pseudo
lotissements s'est généralisée à toute la ville et représente, bien que de façon
plus symbolique, une banalisation du contrôle des accès dans la grande majorité
des espaces d'habiter des catégories moyennes supérieures et aisées de la
population Marrakchie.
Au niveau des formes, le produit commercial « ensembles
résidentiels fermés » se différencie nettement de ce que l'on peut trouver
en France et notamment dans l'agglomération montpelliéraine. Destiné
principalement à une clientèle étrangère qu'il s'agisse de touristes,
d'habitants saisonniers ou encore d'habitants permanents, ces ensembles
résidentiels ont été construits pour plus de 50 % d'entre eux sur le modèle de
la gated community américaine. La présence de nombreux investisseurs
anglo-saxons a également joué un rôle dans le développement de ces
superstructures fonctionnant en quasi autonomie car disposant d'équipements, de
services et de personnels diversifiés et présents en nombre. La promotion
d'ensembles comme le Samanah Country Club, le Golf d’Amelkis, ou le Royal Palm,
pour ne citer que ces trois domaines a montré l'exemple à toute une
génération d'investisseurs et de promoteurs implantés dans la ville de
Marrakech au début des années 2000 et qui ont voulu investir et développer le
marché du luxe à Marrakech par le biais de l'implantation de ces grands
ensembles résidentiels en périphérie urbaine et notamment dans le quartier d’Annakhil.
S'agissant de ce type d'ensembles résidentiels fermés, les promoteurs n'ont pas
eu à imposer une offre car la demande était présente du moins jusqu’à la crise
immobilière de 2008 qui n’a pas épargné la ville de Marrakech. Néanmoins et
lorsque l'on traite du marché de très haut de gamme avec des biens dépassant le
million d'euros, la clientèle a toujours été présente et demandeuse de ces
ensembles résidentiels fermés disposant de tous les services et équipements les
plus innovants. Cette orientation de la promotion immobilière vers le marché du
luxe est réservé à une poignée de promoteurs, généralement des investisseurs œuvrant
à l'échelle internationale et ne représente qu'une petite proportion du marché
immobilier global. En effet, en parallèle à ce marché du luxe et à l'apparition
de ces grands ensembles fermés constitués de maisons individuelles se sont
développées des formes de fermeture très diversifiées à mi-chemin entre
plusieurs cultures et modes de vie.
Les formes de la fermeture résidentielle
qui se sont développées au sein de la ville de Marrakech sont souvent issues
d'une influence extérieure et notamment l'influence de ses premiers
investisseurs, les promoteurs français qui ont multiplié les projets sur
Marrakech depuis la fin des années 90. Le premier secteur économique étant le
tourisme, de nombreux ensembles résidentiels fermés ont été conçus afin de de
permettre la coexistence au sein du même ensemble de populations saisonnières
et de propriétaires occupants. Cette ambition de la part des promoteurs mais
aussi des politiques de la ville a orienté les formes du bâti vers un modèle de
fermeture résidentielle assez généralisé dans les quartiers « modernes »
(anciens quartiers coloniaux) et plus globalement à l'ouest de la ville. Les promoteurs,
pour vendre leur produit immobilier ont donc pratiqué le consensus entre d'une
part un habitat de style traditionnel en préservant quelques aspects et
matériaux orientaux et d'autre part ont permis le développement de la
modernisation et des équipements de loisirs dans ces mêmes résidences afin
d'attirer les extérieurs et notamment les occidentaux.
Ces différentes
adaptations de la part des promoteurs qu'ils soient occidentaux ou à partir des
années 2000 Marocains ont permis de commercialiser plus facilement les produits
immobiliers dans la ville de Marrakech et de faire très nettement augmenter les
prix du foncier. Le public a été conquis par le confort et la sécurité apportés
par ces logements construits dans des ensembles clos et apportant tout le
confort dont il disposait en Europe, le tout à moindre coût. La fermeture
s'étant banalisée au départ de la construction de la plupart des résidences
d'habitat collectif mais aussi de lotissement à Marrakech, l'offre immobilière
se fonde progressivement sur des demandes toujours plus poussées en matière de
confort au sein des ensembles résidentiels fermés. Dans ce cas de figure, la
balance entre offre et demande est plus équilibrée que dans le cas français.
Cassandre DEWINTRE, tous droits réservés.
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