Le processus de
fermeture s'est souvent opéré par émulation et non pas par nécessité dans la
plupart des cas s'agissant de l'agglomération montpelliéraine. En effet, le
sentiment d'insécurité se révèle plus symbolique qu'émanant de réalités
récurrentes, quotidiennes, d'agressions ou autre incivilités. Néanmoins,
lorsqu'une population se retrouve confrontée au renforcement des violences
urbaines, des dégradations et à la matérialisation du danger, celle-ci se
tourne préférentiellement vers la fermeture résidentielle. Dans les quartiers
les plus précaires où l'exclusion a favorisé la dégradation du climat
social et l’insécurité, certains ont succombé à la tentation d'édifier des barrières physiques jugées protectrices.
À proximité immédiate
du quartier du Petit Bard, l'ensemble résidentiel l’Oasis, situé rue des
Avelaniers fait partie de ces copropriétés qui ont répondu aux incivilités par la fermeture. Composée de six immeubles et d'une dizaine de villas, la copropriété a été construite dans les années 60, au
moment où de nombreux rapatriés d'Algérie affluaient en nombre en quête de
logements sur le sol français. À l'époque, la population se compose
majoritairement de couples avec enfants d'une trentaine, voire d'une
quarantaine d'années, génération qui a été progressivement remplacée au début
des années 2000 par des couples d'actifs avec toujours une majorité de
propriétaires occupants dans les villas et pour moitié dans les appartements
(50 % de locataires environ).
En 2005, une demande
des propriétaires des différentes entités (immeubles, villas) est remontée au
conseil syndical afin de regrouper l'ensemble des logements situés de part et
d'autre de l'allée de l'Oasis, alors voie privée, dans une seule et même
enceinte fermée. Cette demande a été notamment déposée par les habitants les
plus proches des immeubles d'habitations sociales du Petit Bard qui se
plaignaient du flux incessant de dealers, de personnes inhibées dans les espaces
verts et des nuisances occasionnées de jour comme de nuit. « En effet le matin,
on retrouvait des choses dans le jardin, des seringues tout ça, mais ce n'était
pas de la délinquance à proprement parler, mais des avis des enfants… Et en
plus, il y avait du bruit tout ça… ». Lors du vote de la copropriété, seule une
part minoritaire s'est opposée au projet de fermeture en affirmant qu'un
grillage ne dissuaderait pas les personnes malintentionnées de pénétrer dans la
résidence. Mais face aux propriétaires les plus demandeurs qui se situaient en
première ligne et qui étaient les plus nombreux, la demande de fermeture a
abouti.
La fermeture s'est
ici matérialisée par l'édification de grillages tout autour de la résidence et
la sécurisation de trois accès, comportant chacun une séparation pour les
voitures et les piétons. En plus de ce premier sas, chaque immeuble de la
copropriété s'est équipé de halls d'entrée sécurisés et accessibles par
digicodes et interphones, ce qui a multiplié les frontières physiques à
l'intérieur de l'ensemble résidentiel. Les villas à l'époque partiellement
fermées sont désormais totalement encloses car les plus sujettes aux
cambriolages. Ce processus de fermeture a remodelé l'ensemble résidentiel sans
pour autant permettre l'installation dans les espaces d'usage commun
d'équipements de loisirs ou de cheminement à travers la résidence qui
permettrait de faciliter le lien social. Le complexe résidentiel dispose de
quelques espaces verts mais qui ne sont pas très esthétiques et qui ne font pas
partie des préoccupations des différents conseils syndicaux qui se sont
succédés au sein de la copropriété. Disposant d'un concierge, l'ensemble
résidentiel a progressivement sous-traité ses services à des entreprises
privées, limitant les charges de copropriété au nettoyage et au jardinage de
l’ensemble.
Le climat social est
assez bon dans la résidence et les conflits très limités. L’Oasis regroupe une
population assez homogène autant au niveau des classes d'âge avec
essentiellement des populations actives, qu'au niveau socio-économique avec
majoritairement des populations appartenant à la classe moyenne. Certains
voisins essaient de mettre en place des activités et des animations au sein de
la résidence et ainsi développer le lien social sans forcément recueillir le
succès escompté. En effet, lors d'activités comme les fêtes de voisins, Noël,
ou Halloween, seule une dizaine de copropriétaires se réunissent régulièrement.
Insidieusement, la fermeture a progressivement induit le renforcement de
règlements de copropriété, ce qui a été mal vécu par certains résidents qui ont
perçu cette dynamique comme une réduction de leur liberté individuelle. Les avantages
apportés par la fermeture ont néanmoins été très largement perçue par les
copropriétaires comme la possibilité pour les enfants de jouer en toute
sécurité dans la copropriété ou de trouver des places de parking plus
facilement et l’ont tout de même emporté sur les restrictions d'usage.
Aujourd'hui, les enfants n'ont plus le droit de jouer au ballon dans la
copropriété et les espaces verts ne sont plus très usités, mais ces
interdictions sont considérés comme un moindre mal pour des copropriétaires
aujourd'hui rassuré par les nouvelles frontières physiques qui entourent leur
résidence. Dans les faits, il existe toujours des actes de cambriolage, mais
les incivilités se sont souvent arrêtées au grillage de l'ensemble résidentiel et se
sont reportées à d'autre espaces d’habiter.
Cassandre Dewintre, tous droits réservés
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