La fermeture résidentielle: Recompositions urbaines, pratiques et représentations.

Ce blog a pour finalité de présenter mes travaux de recherche et leur avancement au fil des trois années de thèse au sein du laboratoire ART-Dév de l'Université Montpellier III.

Cassandre DEWINTRE, Monitrice allocataire MENRT, Université Montpellier III

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samedi 12 mai 2012

Le processus de fermeture post-construction: Exemple de la copropriété l'Oasis à Montpellier


Le processus de fermeture s'est souvent opéré par émulation et non pas par nécessité dans la plupart des cas s'agissant de l'agglomération montpelliéraine. En effet, le sentiment d'insécurité se révèle plus symbolique qu'émanant de réalités récurrentes, quotidiennes, d'agressions ou autre incivilités. Néanmoins, lorsqu'une population se retrouve confrontée au renforcement des violences urbaines, des dégradations et à la matérialisation du danger, celle-ci se tourne préférentiellement vers la fermeture résidentielle. Dans les quartiers les plus précaires où l'exclusion a favorisé la dégradation du climat social et l’insécurité, certains ont  succombé à la tentation d'édifier des barrières physiques jugées protectrices.
À proximité immédiate du quartier du Petit Bard, l'ensemble résidentiel l’Oasis, situé rue des Avelaniers fait partie de ces copropriétés qui ont répondu aux incivilités par la fermeture. Composée de six immeubles et d'une dizaine de villas,  la copropriété a été construite dans les années 60, au moment où de nombreux rapatriés d'Algérie affluaient en nombre en quête de logements sur le sol français. À l'époque, la population se compose majoritairement de couples avec enfants d'une trentaine, voire d'une quarantaine d'années, génération qui a été progressivement remplacée au début des années 2000 par des couples d'actifs avec toujours une majorité de propriétaires occupants dans les villas et pour moitié dans les appartements (50 % de locataires environ).
En 2005, une demande des propriétaires des différentes entités (immeubles, villas) est remontée au conseil syndical afin de regrouper l'ensemble des logements situés de part et d'autre de l'allée de l'Oasis, alors voie privée, dans une seule et même enceinte fermée. Cette demande a été notamment déposée par les habitants les plus proches des immeubles d'habitations sociales du Petit Bard qui se plaignaient du flux incessant de dealers, de personnes inhibées dans les espaces verts et des nuisances occasionnées de jour comme de nuit. « En effet le matin, on retrouvait des choses dans le jardin, des seringues tout ça, mais ce n'était pas de la délinquance à proprement parler, mais des avis des enfants… Et en plus, il y avait du bruit tout ça… ». Lors du vote de la copropriété, seule une part minoritaire s'est opposée au projet de fermeture en affirmant qu'un grillage ne dissuaderait pas les personnes malintentionnées de pénétrer dans la résidence. Mais face aux propriétaires les plus demandeurs qui se situaient en première ligne et qui étaient les plus nombreux, la demande de fermeture a abouti.
La fermeture s'est ici matérialisée par l'édification de grillages tout autour de la résidence et la sécurisation de trois accès, comportant chacun une séparation pour les voitures et les piétons. En plus de ce premier sas, chaque immeuble de la copropriété s'est équipé de halls d'entrée sécurisés et accessibles par digicodes et interphones, ce qui a multiplié les frontières physiques à l'intérieur de l'ensemble résidentiel. Les villas à l'époque partiellement fermées sont désormais totalement encloses car les plus sujettes aux cambriolages. Ce processus de fermeture a remodelé l'ensemble résidentiel sans pour autant permettre l'installation dans les espaces d'usage commun d'équipements de loisirs ou de cheminement à travers la résidence qui permettrait de faciliter le lien social. Le complexe résidentiel dispose de quelques espaces verts mais qui ne sont pas très esthétiques et qui ne font pas partie des préoccupations des différents conseils syndicaux qui se sont succédés au sein de la copropriété. Disposant d'un concierge, l'ensemble résidentiel a progressivement sous-traité ses services à des entreprises privées, limitant les charges de copropriété au nettoyage et au jardinage de l’ensemble.
Le climat social est assez bon dans la résidence et les conflits très limités. L’Oasis regroupe une population assez homogène autant au niveau des classes d'âge avec essentiellement des populations actives, qu'au niveau socio-économique avec majoritairement des populations appartenant à la classe moyenne. Certains voisins essaient de mettre en place des activités et des animations au sein de la résidence et ainsi développer le lien social sans forcément recueillir le succès escompté. En effet, lors d'activités comme les fêtes de voisins, Noël, ou Halloween, seule une dizaine de copropriétaires se réunissent régulièrement. Insidieusement, la fermeture a progressivement induit le renforcement de règlements de copropriété, ce qui a été mal vécu par certains résidents qui ont perçu cette dynamique comme une réduction de leur liberté individuelle. Les avantages apportés par la fermeture ont néanmoins été très largement perçue par les copropriétaires comme la possibilité pour les enfants de jouer en toute sécurité dans la copropriété ou de trouver des places de parking plus facilement et l’ont tout de même emporté sur les restrictions d'usage. Aujourd'hui, les enfants n'ont plus le droit de jouer au ballon dans la copropriété et les espaces verts ne sont plus très usités, mais ces interdictions sont considérés comme un moindre mal pour des copropriétaires aujourd'hui rassuré par les nouvelles frontières physiques qui entourent leur résidence. Dans les faits, il existe toujours des actes de cambriolage, mais les incivilités se sont souvent arrêtées au grillage de l'ensemble résidentiel et se sont reportées à d'autre espaces d’habiter.
Cassandre Dewintre, tous droits réservés

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